Quel est le mécanisme de l’acouphène ?
Et c’est là que les choses se compliquent parce qu’encore une fois, les mécanismes d’acouphène sont complexes et variables.
Inhibition des informations constantes
Mais je vais essayer de simplifier les choses :
Comme je le disais plus haut et pour schématiser, il faudrait comprendre que le cerveau inhibe les informations qui sont permanentes. Par exemple, dans la journée, vous ne ressentez pas la chemise que vous portez pendant des heures. Mais vous l’avez senti quand vous l’avez enfilée. Les changements sont ressenties par le cerveau; mais une information permanente et constante est inhibée.
De même, le bruit de l’air ambiant ou les bruits de votre corps sont inhibés par le cerveau car ce sont des bruits permanents et constants. Quand le système nerveux n’est pas en forme et est affaibli (pour différentes raisons évoquées plus haut), il perd un peu (ou beaucoup) cette capacité d’inhiber l’information constante. Ce qui fait qu’en dehors des moments où vous ressentez des variations de bruits (dans la journée, au bureau,…); donc le soir, au moment de se coucher quand il n’y a pas d’autres bruits; le cerveau entend ce bruit ambiant de l’air, du corps, ce sifflement permanent qui constitue donc l’acouphène.
En fait, les problèmes au niveau des récepteurs nerveux vont déclencher des dysfonctionnements à différents niveaux du cerveau : au niveau des régions relais (le noyau cochléaire, le tronc cérébrale et le thalamus) et du cortex cérébrale qui devrait interpréter les informations qui lui arrivent. Ces régions deviennent alors hypersensibles et la personne a l’impression de recevoir cette information de façon continue : l’acouphène !
Quel rapport entre l’acouphène et les problèmes cervicaux et les problèmes de l’articulation Temporomandibular-mandibulaire (ATM) ?
Plusieurs études ont montré qu’il existe un lien entre des problèmes cervicaux, les problèmes de l’ATM et l’acouphène.
Dans une des dernières études sur le sujet d’acouphène et troubles de la mâchoire publiée en 2023, les chercheurs constatent encore une fois un lien fort entre les troubles de l’ATM et l’acouphène. Ils émettent l’hypothèse que la raison est à chercher du côté de du nerf trijumeau qui peut être impliqué dans le phénomène de l’acouphène et qui innerve l’articulation temporo-mandibulaire. Mais aussi par la proximité physique de l’oreille et de l’ATM telle que suggérée dans une autre étude parue en 2019 et qui trouvait encore, comme d’autres études avant, que la prévalence des acouphènes chez les patients atteints de troubles de la mâchoire est significativement plus élevée que chez les patients sans ces troubles.
Certaines de ces études ont même montré que le fait de corriger ces problèmes mécaniques au niveau de ces articulations permettaient de diminuer déjà les symptômes d’acouphène.
Là encore, pour résumer, il faudrait comprendre qu’il existe une convergence des stimuli auditifs venant des oreilles, et des stimuli somatosensoriels tel que ceux venant des nerfs trijumeaux (les nerfs du visage, souvent impliqués dans les migraines) et des voies lemniscales (apportant les informations de la nuque et du crâne et membres supérieurs). Cette convergence se fait au niveau des noyaux cochléaires et du tronc cérébrale et explique pourquoi une information venant du corps pourrait influencer dans un sens ou dans l’autre la perception d’une autre information.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que, la perception d’une information peut être améliorée ou détériorée par une autre information venant du corps. C’est le principe de la plasticité cérébrale. Dans ce cas de figure, la perception des sons venant de l’oreille peut être dégradée s’il y a des problèmes au niveau des articulations cervicales et de la mâchoire et constituer une des raisons d’un acouphène que des chercheurs appellent : une mauvaise adaptation de la plasticité auditive et somato-sensorielle. En effet on sait par exemple que plus de 53% des personnes ayant eu un traumatisme (donc un choc au niveau des articulations de la nuque), souffrent d’acouphène. Quand la proprioception (l’information venant de ces articulations) est perturbée par un traumatisme, le cortex temporal peut être atteint; et le cortex auditif (qui reçoit l’information venant des oreilles) fait partie de ce cortex temporal !
D’où l’amélioration qui pourrait être apporté en redonnant de la mobilité aux articulations cervicales et de la mâchoire (et donc en améliorant la proprioception), comme cela été constaté dans une étude de 2007 parue dans « Progress in Brain research ». En effet dans cette étude, le fait de corriger les problèmes au niveau de la mâchoire et de la nuque chez des patients souffrant de la maladie de Ménière a permis de diminuer, non seulement les troubles d’équilibre, mais aussi les acouphènes. Dans une autre étude, parue en 2021 dans « International Tinnitus Journal », les chercheurs ont montré qu’en corrigeant des problèmes cervicaux, il était possible déjà de diminuer de 18% l’acouphène chez les patients !
Certains chercheurs suggèrent même que non seulement les problèmes cervicaux sont liés au phénomène de l’acouphène, mais pourraient même être à l’origine de certains acouphènes et ce en raison de la perte de proprioception venant de la région cervicale ! C’est pour cette raison que dans notre cabinet, les soins chiropratiques et les manipulations au niveau de la colonne cervicale et de l’articulation temporo-mandibulaire sont combinés à d’autres formes de stimulations pour aider les personnes souffrant d’acouphène !
Quel est le rôle du stress dans les acouphènes ?
Ca c’est une question ou une affirmation qui revient souvent : « on m’a dit que c’est dû au stress et faut apprendre à vivre avec ou faire de la relaxation ! »
Je suis d’accord et… pas !
Effectivement le stress joue un rôle important dans le déclenchement ou l’aggravation de l’acouphène. La raison est encore une fois le lien entre le système limbique (la partie du cerveau impliquée dans les réponses émotionnelles et comportementales et la mémoire à long terme) et les cortex auditif du lobe temporal.
Dans une étude de 2011 dans le journal « Neuron » les chercheurs suggèrent que le système limbique sert de gardien pour empêcher le signal des acouphènes d’atteindre la partie du cerveau qui traite les sons. Pour les personnes souffrant d’acouphènes, le système limbique (qui est impliqué dans la gestion du stress donc) n’est plus en mesure de bloquer ce signal. Cette étude a également noté que de nombreuses personnes souffrant d’acouphènes ont tendance à subir une perte de volume dans le cortex préfrontal médial du cerveau, qui n’est pas une partie du cerveau qui traite le son mais qui est étroitement liée au système limbique. Cela peut également expliquer pourquoi les acouphènes sont étroitement associés à la dépression, qui peut également résulter d’une perturbation du système limbique.
Donc une part de la solution pourrait être de diminuer le stress, mais l’approche à plus long terme serait de renforcer la plasticité cérébrale (renforcer le fonctionnement cérébral) pour mieux gérer ce stress ! Et cela nécessite une approche différente d’une personne à l’autre pour comprendre ce qui se passe chez cette personne et au niveau de son système nerveux pour proposer la stimulation adaptée. C’est l’approche en neurologie fonctionnelle qui nécessite un examen clinique spécifique et une rééducation spécifique comprenant de la neurostimulation ou du laser de faible intensité combinés aux autres thérapies qu’on met en oeuvre dans notre cabinet.