
Traumatisme crânien et céphalées migraines
Il arrive souvent que des patients me posent la question sur l’origine de leurs douleurs à la tête, que ce soit, une céphalée, une migraine, une névralgie du trijumeau ou une algie vasculaire de la face. Il est toujours difficile de voir comment tout cela a commencé. Le plus important est d’essayer d’aider ces personnes avec une combinaison des soins de Chiropraxie, de la neuromodulation, des exercices vestibulaires, etc.
Cette étude publiée en 2017 explique comment les traumatismes crâniens peuvent être une des raisons de l’hypersensibilité du système trigéminal (nerf trijumeau) qui est souvent impliqué dans ces douleurs à la tête. Ce qu’il faut comprendre c’est que même des accidents légers de circulation (à moins de 20km/h), des chocs au sport, des chutes… constituent un traumatisme crânien léger !
Les traumatismes crâniens légers répétés et les maux de tête : comprendre ce qui se passe dans le cerveau
Le problème des commotions cérébrales
Les commotions cérébrales touchent des millions de personnes chaque année dans le monde. Le symptôme le plus fréquent et le plus tenace ? Les maux de tête. C’est généralement le premier symptôme qui apparaît et le dernier à disparaître. Les chiffres sont impressionnants : entre 85% et 95% des athlètes ayant subi une commotion souffrent de maux de tête, et ce taux grimpe jusqu’à 98% chez les militaires.
Ce qui inquiète vraiment les médecins, c’est que certaines personnes développent des maux de tête chroniques qui durent des mois ou des années. Plusieurs facteurs semblent augmenter ce risque : avoir déjà eu des commotions, subir des chocs rapprochés, et déjà souffrir de migraines. Un historique de traumatismes crâniens et un intervalle de temps réduit entre les traumatismes sont considérés comme des facteurs de risque pour des symptômes persistants, y compris la transformation de maux de tête épisodiques en maux de tête chroniques.
Les objectifs de la recherche
Cette équipe de chercheurs a voulu répondre à deux questions essentielles : est-ce que le nombre de commotions et le temps de repos entre chaque choc influencent la sévérité des maux de tête ? Et qu’est-ce qui se passe exactement dans le cerveau pour expliquer ces maux de tête ?
Pour y répondre, ils ont utilisé des rats comme modèle expérimental. Bien que cela puisse sembler étrange, les rats partagent avec les humains des circuits neurologiques similaires pour la douleur au niveau de la tête et du visage.
Comment l’étude a été menée ?
Le modèle de commotion
Les chercheurs ont créé un modèle de commotion cérébrale ne provoquant pas de fracture ni de saignement. Ils utilisaient un appareil électromagnétique avec un embout en caoutchouc qui frappait la tête de l’animal de manière contrôlée. L’astuce importante : la tête du rat pouvait bouger librement pendant l’impact, exactement comme lors d’une vraie commotion humaine.
Les rats ont été divisés en plusieurs groupes : un groupe contrôle, un groupe recevant un seul choc, et des groupes recevant deux ou trois chocs, soit tous les jours (sans repos), soit avec un jour de repos entre chaque.
Mesurer un « mal de tête » chez un rat
Les chercheurs ont utilisé une méthode indirecte mais fiable : ils ont testé la sensibilité de la région autour des yeux avec de petits filaments qui exercent une pression précise sur la peau.
Chez les humains qui souffrent de migraines ou de maux de tête sévères, la peau du visage devient souvent hypersensible – même un toucher léger peut être douloureux. C’est l’allodynie. Les chercheurs ont cherché le même phénomène chez les rats : si un filament qui ne dérangeait pas normalement le rat causait maintenant une réaction (retrait de la tête, frottement du visage, secouement de tête), cela indiquait une hypersensibilité similaire.
Les analyses du cerveau
Pour comprendre les mécanismes, les chercheurs ont examiné plusieurs éléments :
**Le CGRP** : Cette molécule (peptide lié au gène de la calcitonine) joue un rôle majeur dans la migraine et les maux de tête. Quand il y en a beaucoup dans les zones du cerveau liées à la douleur faciale, cela indique un processus douloureux intense.
**Les astrocytes** : Ces cellules en forme d’étoile soutiennent et protègent les neurones. En cas de blessure ou d’inflammation, elles deviennent plus grosses et plus nombreuses – c’est l’astrocytose. Les chercheurs ont utilisé un marqueur appelé GFAP pour les visualiser.
**La microglie** : Ce sont les cellules immunitaires du cerveau. Quand il y a un problème, elles se multiplient et changent de forme. Les chercheurs les ont comptées avec un marqueur appelé Iba-1.
Les découvertes importantes
Plus de chocs sans repos = plus de douleur
Plus la fréquence des traumatismes augmentait et moins il y avait de temps de repos entre eux, plus la sensibilité faciale des rats augmentait.
Les rats qui avaient reçu trois chocs consécutifs (un par jour pendant trois jours) sans repos avaient développé une hypersensibilité faciale importante qui durait encore une semaine après. Par contre, les rats qui avaient reçu trois chocs avec un jour de repos entre chaque avaient des niveaux de sensibilité presque normaux.
Cette découverte est cruciale : le repos entre les commotions a un effet protecteur réel. C’est comme si le cerveau avait besoin de temps pour « se réparer » entre chaque choc. Sans ce temps, les dommages s’accumulent.
L’étude a aussi montré un effet d’escalade : un seul choc causait une hypersensibilité légère, deux chocs la rendaient plus importante, et trois chocs la rendaient encore pire. Le groupe avec la fréquence la plus élevée montrait la plus grande réduction des seuils trigéminaux.
Le CGRP reste élevé après des chocs répétés
Le groupe ayant subi les traumatismes les plus fréquents montrait les plus grandes augmentations des niveaux de CGRP dans le noyau caudal trigéminé – la région du tronc cérébral qui traite les informations de douleur venant de la tête et du visage.
Fait important : après un seul choc, les niveaux de CGRP montaient rapidement mais revenaient à la normale après une semaine. Mais après des chocs répétés, les niveaux de CGRP restaient élevés même une semaine plus tard. Le système d’alarme de la douleur restait activé beaucoup plus longtemps.
Cette différence explique probablement pourquoi certaines personnes développent des maux de tête chroniques après plusieurs commotions : leur système de la douleur ne revient jamais vraiment à la normale. Le CGRP est particulièrement important parce que c’est exactement la même molécule impliquée dans les migraines humaines. Certains nouveaux médicaments contre la migraine ciblent spécifiquement le CGRP, suggérant qu’ils pourraient aussi aider les personnes souffrant de maux de tête post-commotion.
L’astrocytose : des cellules de soutien en alerte
Les traumatismes répétés ont causé une astrogliose dans le système trigéminé central et une augmentation des niveaux de protéine GFAP dans le cortex sensoriel.
Les astrocytes – ces cellules qui normalement soutiennent tranquillement les neurones – sont devenus beaucoup plus gros et plus nombreux. Les chercheurs ont observé cette transformation dans deux zones clés : le noyau caudal trigéminé (la centrale de traitement de la douleur faciale) et le cortex barrel (une zone qui traite les informations sensorielles du visage).
Ce qui est intéressant, c’est que cette activation n’était pas généralisée. D’autres régions comme le cortex moteur étaient normales. Cela prouve que les changements étaient spécifiques au circuit de la douleur trigéminale.
Les astrocytes changent aussi de forme quand ils sont activés : leurs « bras » deviennent plus épais et plus courts. Cette transformation reflète un changement de fonction : les astrocytes activés libèrent des substances inflammatoires et peuvent augmenter l’excitabilité des neurones voisins.
L’analyse quantitative a révélé une augmentation progressive : 14,5% d’augmentation de la protéine GFAP après un seul choc, mais 48,3% après des chocs répétés. Cette escalade montre que les effets s’accumulent.
La microglie se multiplie et change
Les traumatismes répétés ont entraîné une augmentation du nombre de cellules microgliales dans le noyau caudal trigéminé.
La microglie, ce sont les cellules immunitaires du cerveau. Après des chocs répétés, deux choses se sont produites : elles se sont multipliées, et elles ont changé d’apparence. Normalement, les microglies ont de longs bras fins. Après les chocs répétés, ces bras sont devenus épais et courts, ou se sont rétractés. Cette transformation indique qu’elles sont passées en « mode combat ».
Un détail important : ces changements se sont produits sans lésions visibles des fibres nerveuses. Cela signifie que la microglie ne réagit pas à une destruction tissulaire évidente, mais plutôt à des signaux plus subtils de dysfonctionnement ou d’inflammation.
Comment tout s’imbrique
Les chercheurs proposent un modèle où tous ces éléments interagissent :
**Le déclenchement** : Les chocs répétés causent probablement une inflammation légère mais persistante dans les tissus entourant le cerveau ou dans le crâne. Cette inflammation irrite les terminaisons nerveuses du nerf trijumeau.
**L’amplification** : Les neurones du nerf trijumeau produisent alors davantage de CGRP. Ce neuropeptide agit comme un amplificateur : il dilate les vaisseaux sanguins, sensibilise d’autres neurones, et augmente l’inflammation. C’est un cercle vicieux.
**La mobilisation immunitaire** : Le CGRP et d’autres signaux activent la microglie. Ces cellules se multiplient et libèrent leurs propres molécules inflammatoires, qui rendent les neurones encore plus sensibles.
**L’hyperexcitabilité** : Les astrocytes, détectant cette agitation, s’activent également. Quand ils sont trop activés, ils peuvent perdre leur capacité de réguler l’environnement chimique, permettant aux neurones de devenir hyperexcitables.
**Le résultat** : Un état d’hypersensibilité où des stimuli normalement inoffensifs sont perçus comme douloureux. Ce qui rend les chocs répétés particulièrement dangereux, c’est que chaque nouveau choc relance ces processus avant qu’ils n’aient eu le temps de se calmer.
Implications pratiques
Cette recherche a des implications importantes pour les patients.
**Pour les athlètes** : Dans les sports de contact, les athlètes subissent souvent plusieurs chocs rapprochés. Cette étude explique pourquoi plusieurs commotions rapprochées risquent de causer des problèmes beaucoup plus graves qu’une seule commotion avec récupération complète. Les protocoles de retour au jeu, qui exigent une période de repos, sont donc scientifiquement justifiés.
**Pour les militaires** : Les soldats exposés à des explosions peuvent subir plusieurs commotions en mission. Les taux très élevés de maux de tête chroniques chez les vétérans pourraient s’expliquer par cette accumulation sans récupération adéquate.
Les limites
Les chercheurs reconnaissent plusieurs limites importantes. Les rats ne sont pas des humains – ils ne peuvent pas décrire leurs symptômes. L’étude n’a suivi les animaux que pendant une semaine, alors que les maux de tête humains peuvent durer des mois ou des années. Aucun rat n’a développé de symptômes retardés, contrairement à certains patients. Et les aspects psychologiques de la douleur chronique (anxiété, dépression, stress) sont impossibles à reproduire chez les rats.
Conclusion des chercheurs
Cette recherche nous apprend des choses fondamentales : une fréquence accrue et un intervalle de temps réduit entre les traumatismes aggravent le comportement de type mal de tête, avec des augmentations des niveaux de CGRP, la présence d’astrocytose et la prolifération microgliale dans la voie trigéminale centrale.
Le repos n’est pas juste une précaution – c’est biologiquement nécessaire. Les effets s’accumulent : chaque commotion aggrave un système déjà fragilisé. Ce n’est pas « dans votre tête » : ce sont des changements biologiques réels et mesurables. Et la prévention reste la meilleure approche : meilleur équipement, règles plus strictes, et surtout, respecter les protocoles de récupération.
Quelle solution pour le traumatisme crânien et commotion cérébral léger ?
La réhabilitation après une commotion cérébrale et un traumatisme crânien est très délicate et doit être personnalisée. Et cela peut être long ! Très long ! Mais les mesures objectives permettent de mieux cibler les régions du système nerveux qui ont besoin d’être stimulé pour gagner du temps et gagner en efficacité.
Dans notre cabinet, après un examen physique et des tests de mouvements oculaires, nous proposons une combinaison des soins de Chiropraxie et réhabilitation basée sur la méthode Cerebrostim (neurologie fonctionnelle) qui consiste en :
Des soins chiropratiques permettant d’améliorer la prprioception, et de diminuer la douleur. Différentes études ont effectivement montré l’efficacité des manipulations chiropratiques pour des céphalées et migraines. De plus une étude récente publiée en 2025 montrait que les manipulations vertébrales pouvaient avoir un diminuer les taux de CGRP pendant plus de 3 mois.
De la neuromodulation des nerfs périphériques, du nerf vague ou transcrânienne : de nombreuses études ont montré leurs effets bénéfiques sur les céphalées, migraines, le brouillard cérébrale ainsi que leur effet anti-CGRP.
De la rééducation posturale au niveau cervical dont la raideur est associée aux douleurs cervicales, céphalées de tension et migraines.
De la photobiomodulation transcrânienne intranasale et éventuellement de l’oxygénation hyperbare qui permettent de stimuler les mitochondries (les usines à énergie) dans les cellules et améliorer le fonctionnement du système nerveux.
- une rééducation proprioceptive,
- des exercices vestibulaires et/ou vestibulo-oculaires,
- des exercices de synchronisation hémisphérique,
- de la photobiomodulation cérébrale,
- de l’électro-stimulation du nerf vague,
- de la neuro-stimulation périphérique,
- de stimulation transcrânienne à courant direct
- de la thérapie au laser froid
- …
Références :
Tyburski AL, Cheng L, Assari S, Darvish K, Elliott MB. Frequent mild head injury promotes trigeminal sensitivity concomitant with microglial proliferation, astrocytosis, and increased neuropeptide levels in the trigeminal pain system. J Headache Pain. 2017 Dec;18(1):16.
Cade AE, Turnbull PRK. Effect of Chiropractic Intervention on Oculomotor and Attentional Visual Outcomes in Young Adults With Long-Term Mild Traumatic Brain Injury: A Randomized Controlled Trial. J Manipulative Physiol Ther. 2024 Jan-Jun;47(1-4):1-11.
Chaibi A, Benth JŠ, Tuchin PJ, Russell MB. Chiropractic spinal manipulative therapy for migraine: a three-armed, single-blinded, placebo, randomized controlled trial. Eur J Neurol. 2017 Jan;24(1):143-153.
Khorsandi, D., Ccoicca, M., Ruiz, A., Tejero, M., Olaru, A., & Umbert, I. (2025). Biomechanical alterations of the spine correlated with the severity of dermatitis and calcitonin gene-related peptide levels. Medical Research Archives, 13(2).




