Commotion, traumatisme crânien et photobiomodulation transcrânienne
Commotion cérébrale et traumatisme crânien
Neurologie fonctionnelle et traumatisme crânien / commotion cérébrale
Un traumatisme crânien ou une commotion cérébrale peut avoir des répercussions à court et long terme sur la vie des personnes. Or souvent beaucoup de patients que je vois au cabinet pour ces problèmes expriment leur frustration d’avoir des symptômes qui les gênent dans leur quotidien aussi bien au niveau physique, mental que cognitif, malgré des examens et tests qui « semblent normaux ». « Semblent normaux » car les tests censés trouver des pathologies ne permettent pas de voir des dysfonctionnements fonctionnels qui ne sont pas pathologiques. Par exemple une IRM cérébrale normale peut très bien détecter une hémorragie suite à un traumatisme crânien sévère, mais ne rien trouver dans le cas d’un traumatisme crânien léger malgré la présence de problèmes d’équilibre, de mal de tête ou de problème de concentration chez le patient. Comme j’en ai parlé dans d’autres posts de ce blog, d’autres tests plus performants tels que l’IRM fonctionnelle et IRM de tenseur de diffusion (voir l’article ici) mais aussi à un autre niveau, des tests tels que la vidéonystagmographies (ou eye-tracking) ou même des tests cliniques que nous faisons au cabinet permettent d’avoir une meilleure idée de ce qui se passe au niveau du système nerveux chez les patients souffrant de traumatisme crânien léger.
Une fois l’analyse effectuée, nous mettons en place un protocole de rééducation pour cibler les déficits de fonctionnement au niveau du système nerveux grâce à une rééducation vestibulaire, oculomotrice, proprioceptive, etc. et des soins de Chiropraxie accompagnés de la neuro stimulation et/ou de la photobiomodulation. Ce terme étant inconnu pour beaucoup de personnes, je voudrais apporter plus d’explications sur la photobiomodulation transcrânienne dans le cas des traumatismes crâniennes et commotion cérébrale. Un long article parfois un peu technique (j’ai essayé de l’alléger au maximum des termes techniques) pour ceux qui voudraient mieux comprendre en détail cette procédure.
Remarque important : pour tout traumatisme crânien même léger, vous devriez consulter votre médecin ou l’hôpital et procéder à des examens appropriés. Ce qui suit concerne en particulier des traumatismes crâniens légers chroniques pour lesquels les examens sont normaux et sans pathologie particulière !
Qu’est-ce qu’un traumatisme crânien ?
Les traumatismes crâniens sont provoqués par un ou des chocs à la tête ou à la nuque, résultant souvent d’accidents de la route, d’agressions, de chutes, de blessures sportives ou de blessures par explosion subies lors d’un conflit militaire. Les traumatismes crâniens peuvent être classés comme léger (pas de perte de conscience ou perte de conscience de moins de 30 minutes avec altération de l’état mental moins de 24 heures, amnésie post-traumatique moins d’un jour), modérée (perte de conscience de 30 minutes à 24 heures, état mental altéré plus de 24 heures, amnésie post-traumatique entre 1 à 7 jours) ou sévère (perte de conscience plus de 24 heures ; état mental altéré plus de 24 heures ; amnésie post-traumatique plus de 7 jours).
Des épisodes légers répétés de traumatismes crâniens (également appelés commotions cérébrales), même sans perte de conscience, peuvent avoir des effets cumulatifs dévastateurs. L’encéphalopathie traumatique chronique est une affection reconnue chez les boxeurs, les joueurs de football, de hockey, de rugby et le personnel militaire, résultant de traumatismes crâniens répétés. Il n’existe actuellement aucun traitement accepté pour le traumatisme crânien, bien que certaines approches expérimentales soient testées à la fois dans les contextes aigus (neuroprotection) et chroniques (neuroréadaptation). L’une de ces nouvelles approches est la photobiomodulation / thérapie laser de faible niveau.
Comprendre la photobiomodulation en général
La photobiomodulation, anciennement connue sous le nom de thérapie au laser de bas niveau, approche de son 50e anniversaire. Considérée à l’origine comme une propriété des lasers rouges, la photobiomodulation s’est élargi pour inclure les longueurs d’onde du proche infrarouge, et même les longueurs d’onde bleues et vertes. Les meilleures propriétés de pénétration tissulaire de la lumière proche infrarouge, ainsi que sa bonne efficacité, en ont fait la gamme de longueurs d’onde la plus populaire. Les applications médicales les plus connues de photobiomodulation ont été pour des indications telles que la stimulation de la cicatrisation des plaies, la réduction de la douleur, la réduction de l’inflammation en orthopédie et l’atténuation des effets secondaires de la thérapie contre le cancer. Cependant, ces dernières années, il y a eu un intérêt croissant pour l’utilisation de la photobiomodulation dans divers troubles cérébraux. L’absence (presque) complète d’effets secondaires indésirables de la photobiomodulation, associée à la désillusion croissante à l’égard des médicaments pharmaceutiques qui affectent la fonction cérébrale, se sont combinées pour suggérer une approche alternative pour améliorer la fonction cérébrale.
Comment fonctionne la photobiomodulation ?
Description image : Mécanismes moléculaires du tPBM. La lumière traverse le cuir chevelu et le crâne où, selon la longueur d’onde, elle est absorbée par deux chromophores différents. La lumière rouge et NIR (jusqu’à 940 nm) est principalement absorbée par la cytochrome c oxydase dans la chaîne respiratoire mitochondriale des neurones corticaux. La lumière NIR de plus grande longueur d’onde (980 nm et 1064 nm) est principalement absorbée par les canaux ioniques potentiels des récepteurs transitoires sensibles à la chaleur et à la lumière. Dans les deux cas, la signalisation cellulaire et les molécules messagères sont régulées à la hausse en raison de l’activité mitochondriale stimulée, y compris les espèces réactives de l’oxygène (ROS) et l’adénosine triphosphate (ATP). Remarque : hv est léger et TRPV est un vanilloïde potentiel de récepteur transitoire (canaux ioniques). Image issue de l’article Hamblin, J Neurosci Res. 2018 Apr;96(4):731-743, Wiley Periodicals
Les chromophores
Il faut comprendre tout d’abord qu’une molecule dans le tissu doit absorber les photons émis par la lumière (les chromophores). L’enzyme cytochrome c oxydase a été identifiée comme un chromophore majeur de la lumière rouge / proche infrarouge. Cet enzyme fait partie de la chaîne respiratoire des mitochondries (l’usine à énergie de chaque cellule). Il est admis que grâce à la photobiomodulation, le potentiel de la membrane mitochondriale, la consommation d’oxygène et la production d’ATP (molécule qui fournit l’énergie à la cellule et permet à la cellule de fonctionner) sont augmentés.
D’autres récepteurs dans les membranes cellulaires sont aussi activés par diverses longueurs d’onde de lumière, y compris le vert, le rouge et le proche infra rouge. L’activité de ces récepteurs permet à la cellule de mieux échanger avec son environnement et donc de mieux fonctionner.
Mécanismes cellulaires de la photobiomodulation
Après que les photons de lumière soient absorbés par les enzymes ou canaux ioniques cités plus haut, une série d’événements secondaires se produit. Pour résumer, on peut citer l’augmentation de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et du calcium intracellulaire qui sont indispensables dans la régulation des principales fonctions biologiques de la cellule. A leur tour, ils peuvent augmenter l’expression des gènes, dont des protéines aux fonctions antioxydante, anti-apoptotique, pro-prolifération et pro-migration.
Mécanismes tissulaires de la photobiomodulation
Les changements dans les niveaux d’expression des protéines impliquées dans la régulation antioxydante, anti-apoptotique, pro-survie, et de la prolifération cellulaire, signifient que des changements dans la guérison et la régénération peuvent être attendus après la photobiomodulation. Par exemple, des protéines structurelles telles que le collagène sont nouvellement synthétisées afin de réparer les lésions tissulaires. Les cellules à risque de mourir dans les tissus qui ont été soumis à une ischémie ou à d’autres agressions sont protégées. Les cellules souches sont activées pour quitter leur niche, proliférer et se différencier. La douleur et l’inflammation sont réduites et le flux sanguin est augmenté, le drainage lymphatique est augmenté réduisant ainsi l’œdème.
Mécanismes cérébraux de la photobiomodulation
En plus de ce qui précède, il existe certains mécanismes tissulaires de photobiomodulation spécifiques au cerveau. L’un des plus importants est une augmentation du débit sanguin cérébral souvent signalée après la photobiomodulation transcrânienne, entraînant une augmentation de l’oxygénation des tissus et une plus grande quantité de cytochrome c oxydase oxydée. Il a été démontré que la photobiomodulation transcrânienne réduit la microglie activée dans le cerveau des souris ayant subi un traumatisme crânien, démontrant ainsi une neuroinflammation réduite. Il a été démontré que la photobiomodulation transcrânienne augmente la neurogenèse (formation de nouvelles cellules cérébrales) et la synaptogenèse (formation de nouvelles connexions entre les cellules cérébrales existantes), tous deux chez des souris ayant subi un traumatisme crânien.
Description image : Mécanismes spécifiques au cerveau de la photobiomodulation transcrânienne. Le processus de transcription génique décrit dans la figure 1 peut entraîner une diminution de l’apoptose neuronale et de l’excitotoxicité, une diminution de l’inflammation et une réduction de l’œdème due à l’augmentation du flux lymphatique, qui, avec des facteurs protecteurs tels que les antioxydants ) contribueront tous à réduire les lésions cérébrales progressives. L’augmentation de l’angiogenèse, l’expression des neurotrophines entraînant l’activation des cellules progénitrices neurales et une migration cellulaire accrue, ainsi que l’augmentation de la synaptogenèse peuvent toutes contribuer à la réparation du cerveau après les dommages subis lors du traumatisme. Remarque : AUC est l’aire sous la courbe. Image issue de l’article Hamblin, J Neurosci Res. 2018 Apr;96(4):731-743, Wiley Periodicals
La photobiomodulation transcrânienne
La photobiomodulation transcrânienne est une approche croissante pour de nombreux troubles cérébraux différents d’apparition soudaine (accident vasculaire cérébral -AVC, commotion et traumatisme crânien, ischémie globale), neurodégénérative (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, démence) ou psychiatrique (dépression, anxiété, troubles de stress post-traumatique).
Photobiomodulation transcrânienne chez des sujets sains
Plusieurs études ont montré que la photobiomodulation transcrânienne chez les souris sains peut améliorer divers paramètres cognitifs et émotionnels. Elles ont montré par exemple des performances améliorées dans un labyrinthe ou la réduction de la peur empêchant ainsi la réémergence des réactions de peur conditionnées (qui surviennent lors du stress post-traumatique).
D’autres études chez des humains sains ont montré des améliorations similaires. Une étude a montré une amélioration de la performance des tâches cognitives liées au cortex préfrontal, y compris les tâches de vigilance psychomotrice, de mémoire et une amélioration de l’humeur. Des études ultérieures chez des humains sains ont montré que la photobiomodulation transcrânienne pouvait améliorer les performances lors de tests des fonctions exécutives. Ils ont également montré que la photobiomodulation transcrânienne sur le front droit pouvait améliorer l’attention chez les personnes souffrant de dépression. Dans une autre étude, les chercheurs ont appliqué la LED transcrânienne pour améliorer le flux sanguin cérébral chez les femmes âgées en bonne santé et ont trouvé une augmentation significative des valeurs circulatoires des trois artères cérébrales analysées.
Photobiomodulation transcrânienne pour la commotion cérébrale / traumatisme crânien
Une des premières publications concernant la photobiomodulation et traumatisme crânien date de 2007. Oron et ses collègues ont été les premiers à démontrer qu’une seule exposition de la tête d’une souris quelques heures après une lésion traumatique à la tête pouvait améliorer les performances neurologiques et réduire la taille de la lésion cérébrale. D’autres publications ont également montré une amélioration des résultats (tels que diminution significatives du score de sévérité neurologique, amélioration de l’apprentissage et de la mémoire) et des volumes de lésions significativement plus faibles chez les animaux traitées à la photobiomodulation en phase aigüe suite à un traumatisme crânien. Certaines études ont montré que la photobiomodulation transcrânienne augmentait les cellules neuroprogénitrices et les marqueurs de la synaptogenèse et de neuroplasticité dans certaines parties du cerveau.
Les publications sur les effets de la photobiomodulation transcrânienne sur les patients humains se sont surtout focalisés sur les cas chroniques de commotion cérébrale. Dès 2011, Naeser et ses collègues ont publié le cas de deux personnes atteints de traumatisme crânien chronique ayant eu de la photobiomodulation transcrânienne avec une amélioration au niveau de la concentration, de la mémoire, et des compétences mathématiques et des fonctions exécutives. D’autres publications on également montré des améliorations dans les fonctions exécutives, la mémoire verbale, l’attention, les capacités d’inhibition, le sommeil, les fonctions sociales, de la qualité de vie et une diminution des symptômes de trouble de stress post-traumatique, de la dépression, de l’anxiété, des maux de tête,…
En conclusion
La photobiomodulation transcrânienne peut avoir des effets bénéfiques majeurs pour des patients souffrant des symptômes de traumatisme crânien tout en étant sûre et sans effets secondaires notables. Les effets bénéfiques de la photobiomodulation transcrânienne sont multiples et peuvent inclure :
– Diminution de la douleur
– Diminution de la neuroinflammation
– Réparation accélérée des tissus et croissance cellulaire
– Amélioration de l’activité vasculaire
– Amélioration de la fonction nerveuse / guérison nerveuse
Dans notre cabinet, nous utilisons des techniques et méthodes innovantes pour aider les patients avec différents troubles neurologiques fonctionnels. L’examen initial est indispensable pour pouvoir déterminer les procédures et la rééducation spécifiques à chaque patient.
Références :
Hamblin MR. Photobiomodulation for traumatic brain injury and stroke. J Neurosci Res. 2018 Apr;96(4):731-743.
Salehpour F, Mahmoudi J, Kamari F, Sadigh-Eteghad S, Rasta SH, Hamblin MR. Brain Photobiomodulation Therapy: a Narrative Review. Mol Neurobiol. 2018 Aug;55(8):6601-6636.