Collier cervical après un accident. Bon ou mauvais ?
Est-ce qu’il faut porter un collier cervical après un accident ?
Ce que j’ai appris sur le collier cervical en tant que chiropracteur
Porter un collier cervical ou pas ? Depuis toujours les chiropracteurs privilégient une récupération basée sur le mouvement et la mobilité plutôt que l’immobilisation. Aussi bien à la faculté de Chiropraxie que plus tard en tant que chiropracteur faisant ma spécialité en neurologie j’ai appris que le fait de mobiliser et de privilégier le mouvement est préférable au fait d’immobiliser. Certes quand il y a une fracture osseuse, il faut permettre une cicatrisation des os et donc immobiliser. Mais dans le cas de la plupart des blessures, il vaudrait mieux des petits mouvements pour permettre une meilleure circulation sanguine et une plus grande stimulation proprioceptive (information des récepteurs nerveux autour des articulations) pour que le système nerveux puisse stabiliser plus rapidement les muscles autour de l’articulation.
Je me rappelle encore il y a vingt ans quand le repos au lit était prescrit par les médecins pour les douleurs lombaires tandis qu’en tant que chiropracteur j’incitais les patients à bouger et à ne surtout pas rester au lit. Heureusement la tendance a changé depuis quelques années, et maintenant même la sécurité sociale fait des publicité à la radio et à la télévision pour inciter les patients à bouger et à ne surtout pas rester au lit.
Alors quid du collier cervical et de la ceinture lombaire ? Pour moi le même principe s’impose. A moins d’avoir une blessure grave qui impose vraiment une immobilisation des articulations (telle qu’une fracture), il vaut mieux maintenir la mobilité que limiter la mobilité.
Ce que je recommande aux patients à qui on a prescrit un collier cervical ou une ceinture lombaire : si le collier ou la ceinture est prescrit suite à un choc ou une blessure, portez les si vous êtes dans une situation où vous pouvez vous blesser encore plus. Par exemple si vous êtes dans le métro bondé et qu’il peut y avoir un coup de frein ou que les gens peuvent vous bousculer. Mais ne portez surtout pas le collier cervical ou la ceinture lombaire si vous êtes à la maison, ou au bureau et vous ne risquez pas un mouvement brusque. Et si la ceinture ou le collier vous a été prescrit simplement parce que vous avez des douleurs cervicales ou des douleurs lombaires : surtout pas ! Les porter revient à diminuer les capacités de votre système nerveux et de vos muscles à récupérer.
Que dit la science sur le collier cervicale ?
Différentes études ont montré les inconvénients de l’immobilisation sur les muscles mais aussi sur le système nerveux. Une étude que j’avais mis sur mon blog il y a déjà des années montrait que le fait de plâtrer un bras pendant 2 semaines (ce qui encore une fois peut être indispensable), avait néanmoins des répercussions négatives sur les régions du cerveau correspondantes à ce bras, avec une atrophie temporaire de ces régions (qui revenaient à la normale après avoir enlevé le plâtre et rééduqué le bras). On peut donc aisément supposer les effets délétères que peut avoir une immobilisation non justifiée.
Ce qui nous ramène à cette nouvelle étude parue en Septembre 2021 dans laquelle des chercheurs italiens ont voulu savoir les effets de l’utilisation d’un collier cervical souple dans le cas des traumatismes cervicaux notamment d’un coup du lapin dans le milieu hospitalier.
Coup du lapin
Le Groupe de travail du Québec sur les douleurs cervicales (qui a regroupé les plus grands spécialistes dans le domaine musculosquelettique) a défini les troubles associés au coup du lapin comme un terme générique, qui comprend «une variété de manifestations cliniques à la suite d’une blessure d’accélération-décélération résultant généralement d’une collision routière».
La présentation précoce des troubles associés au coup du lapin aiguë varie considérablement et peut inclure des symptômes tels que : douleur cervicale ; mal de tête; douleur à l’épaule ou au bras; limitation des mouvements du cou; douleur à la mâchoire; vertiges; nausée; acouphène; perte de mémoire et difficultés de concentration. En règle générale, la moitié des personnes ayant subi un coup du lapin se rétablissent en 2 à 3 mois ; tandis que les 50 % restants continuent de présenter des symptômes. En conséquence, les blessures par coup du lapin peuvent être une manifestation de blessures physiques réelles, mais pas encore assez connues ou ou reconnues, des tissus mous de la tête et du cou. En outre, l’interaction entre le cou et le mésencéphale (partie supérieur du tronc cérébral, reliés au cerveau) a été récemment suggérée comme cause de la persistance des symptômes. C’est-à-dire que des études récentes ont documenté la pertinence d’un mécanisme d’adaptation physiopathologique du système nerveux central, car le coup du lapin est fréquemment associé au syndrome post-traumatique, aux attaques de panique, à l’anxiété, à la kinésiophobie, à la propagation de la douleur, à l’invalidité et à une qualité de vie réduite.
Immobilisation ou mobilisation après un coup du lapin ?
Une prise en charge précoce et appropriée des troubles associés au coup du lapin est d’une importance primordiale. Dans ce contexte, l’utilisation de colliers cervicaux souples reste une pratique empirique largement répandue dans les urgences. Cependant, les preuves de son utilisation sont contradictoires, ce qui a conduit le Groupe de travail du Québec à recommander d’éviter son utilisation pour le coup du lapin (catégorie I-II) car il n’apporte aucun avantage supplémentaire.
Dans une étude de revue systématique parue en 2019, des chercheurs avaient déjà conclu qu’un protocole de non-immobilisation pour le coup du lapin a de meilleurs résultats en termes de soulagement de la douleur et de récupération des fonction du cou. Dans une revue systématique plus récente, parue en 2021, d’autres chercheurs ont confirmé qu’une approche active (agir comme d’habitude) a des résultats plus favorables en termes de réduction de la douleur.
Ces résultats confirment que l’utilisation du collier cervical souple contribue à la persistance des symptômes. Les chercheurs de cette nouvelle étude dont on pale aujourd’hui ont donc voulu savoir si l’utilisation de colliers cervicaux souples dans une phase aiguë précoce de coup du lapin (catégorie 0 à III) augmente le risque de persistance des symptômes, conduisant à un retour aux urgences dans les trois mois suivant une collision routière.
Ils ont tout d’abord constaté que malgré le fait que les recommandations de pratique clinique fondées sur des preuves n’ont pas recommandé l’utilisation d’un collier cervical souple en raison du manque de preuves cliniques soutenant son bénéfice; le collier cervical souple est encore largement utilisé pour les patients ayant subi un coup du lapin, dans deux urgences italiennes étudiées.
Ils ont aussi constaté que l’utilisation d’un collier cervical souple dans le cas d’un coup du lapin aigu précoce (dans les 48 heures suivant le traumatisme) était significativement associée à un retour aux urgences dans les trois mois, par rapport au groupe de patients qui n’ont pas eu de collier cervical souple, indépendamment de la sévérité du WAD. Ainsi, ils concluent : « nos résultats sont alignés sur les recommandations internationales, suggérant que l’approche de non-immobilisation et la prise en charge active précoce peuvent réduire le risque de retour aux urgences et la persistance possible du des troubles associés au coup du lapin ».
En savoir plus sur le coup du lapin
Compte tenu des déficiences physiques chez les patients ayant subi un coup du lapin, des études récentes ont montré que lors d’une collision, en particulier à basse vitesse, les muscles du cou (par exemple, les muscles sternocléidomastoïdien, trapèze et érecteur du rachis) réagissent fortement avant l’accélération maximale de la tête. Il a été démontré que la capacité du muscle à exercer sa force et son endurance était altérée encore un an après le coup du lapin, entraînant une invalidité sévère et persistante, même si la mobilité du cou et la perception de la douleur semblent être redevenues normales.
Bien que le mécanisme ne soit pas encore clair, ces patients montrent une association significative avec l’infiltration graisseuse et l’atrophie des muscles cervicaux. Ce processus secondaire d’inadaptation est bien décrit dans la littérature, notamment après immobilisation, et il est attribué à la combinaison de l’utilisation d’un collier cervical et de facteurs psychologiques comportementaux. Des études suggèrent également que le mécanisme central, principalement entraîné par les aspects cognitivo-comportementaux et l’immobilisation, pourrait jouer un rôle dans la réduction de l’activation des motoneurones alpha, entraînant des modifications musculaires secondaires et une fonction altérée.
La notion que la mobilisation active est supérieure à l’immobilisation du collier est connue depuis 1994, c’est-à-dire que la majorité de la littérature sur ce sujet a conclu que les stratégies actives (par exemple, les exercices précoces, agissant de la même manière qu’avant le traumatisme, « se comportent comme habituel ») sont associés à une récupération plus rapide qu’une immobilisation précoce. De plus, il a également été montré que l’immobilisation du cou avec des colliers, chez des individus sains, contribue à réduire significativement l’amplitude des mouvements actifs du cou dans toutes les directions.
La non-immobilisation du cou a montré une plus grande réduction de l’intensité de la douleur et une récupération fonctionnelle au cours du suivi à long terme. Fait intéressant, ces résultats semblent être indépendants de l’ajout des soins de kinésithérapie, mettant en évidence les influences négatives du collier sur les composants non physiques et, ensuite, le pronostic des patients. Ces résultats sont en accord avec la conclusion des chercheurs de cette dernière étude, qui était la suivante : le port du collier cervical était associé à une utilisation accrue des soins de santé, entraînant des coûts addictionnels possibles pour les systèmes de santé nationaux.
Références :
- Mourad F, Rossettini G, Galeno E, Patuzzo A, Zolla G, Maselli F, Ciolan F, Guerra M, Tosato G, Palese A, Testa M, Ricci G, Zaboli A, Bonora A, Turcato G. Use of Soft Cervical Collar among Whiplash Patients in Two Italian Emergency Departments Is Associated with Persistence of Symptoms: A Propensity Score Matching Analysis. Healthcare (Basel). 2021 Oct 14;9(10):1363.
- Christensen, S.W.M.; Rasmussen, M.B.; Jespersen, C.L.; Sterling, M.; Skou, S.T. Soft-collar use in rehabilitation of whiplash-associated disorders—A systematic review and meta-analysis. Musculoskelet. Sci. Pract. 2021, 55, 102426.
- Ricciardi, L.; Stifano, V.; D’Arrigo, S.; Polli, F.M.; Olivi, A.; Sturiale, C.L. The role of non-rigid cervical collar in pain relief and functional restoration after whiplash injury: A systematic review and a pooled analysis of randomized controlled trials. Eur. Spine J. 2019, 28, 1821–1828.