Anti-dépresseurs, un traitement de fond pour les migraines ?

Anti-dépresseurs, un traitement de fond pour les migraines ? Vraiment ?

Je vois beaucoup de personnes au cabinet qui en énumérant les traitements qu’ils ont eu pour la migraine (et qui donc n’ont pas aidé puisqu’ils se retrouvent dans le cabinet…), citent des anti-dépresseur (dont le plus connu est le laroxyl) en tant que traitement de fond pour leur migraine.

Or pour moi un traitement de fond serait un traitement qui corrige l’origine d’un problème ou qui fonctionne à long terme. Alors est-ce qu’un anti-dépresseur corrige l’origine de la migraine ? Permettez-moi d’en douter !

Pourquoi ? Pour cela il faudrait parler un peu du détail du fonctionnement des nerfs.

Fonctionnement de la sérotonine et sa recapture

Tout d’abord, il faudrait savoir qu’aujourd’hui et malgré une utilisation courante des anti-dépresseurs pour la migraine, la raison de son action n’est pas bien connue. Ce n’est d’ailleurs pas autorisé en tant que tel pour le traitement de la migraine par les organismes de régulation de médicaments !

Mais on pense que le rôle d’un anti-dépresseur tel que le Laroxyl est d’empêcher la recapture des neuro-transmetteurs tels que la sérotonine et la noradrénaline dans les espaces entre les neurones. Pour résumer un neurone libère des neuro-transmetteurs pour transmettre une information au neurone suivant et de la même manière récupère (recapture) une partie de ces neuro-transmetteurs pour ne pas submerger le système.

Passons sur le fait que ces neuro-transmetteurs jouent un rôle dans différentes parties du cerveau et que s’il y a un mécanisme de recapture de la sérotonine par le corps, il y a bien une raison. La sérotonine est un inhibiteur qui intervient, entre autres, dans la régulation de l’humeur. La recapture de la sérotonine permet d’éviter une sur-excitation de certaines neurones et parties du cerveau !

Donc, comme tous ces médicaments (y compris les anti-CGRP qui sont à la mode aujourd’hui – voir l’article sur la douleurs et les anti-CGRP), quand on empêche cette recapture, il y a aussi l’effet de cette diminution de recapture ailleurs dans le cerveau et au niveau de différentes régions cérébrales. D’où les effets secondaires dans le corps dont nous parlerons plus bas.

L’effet de cet anti-dépresseur n’est donc que d’augmenter artificiellement la circulation d’un neuro-transmetteur (appelé aussi “l’hormone du bonheur”) pour ne pas ressentir ce qui se passe au niveau du cerveau et qui normalement est pensé être le déclencheur de tout un processus de sensibilisation qui mène à la migraine. L’effet est donc de masquer encore une fois le problème pour ne pas le ressentir.

Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que le corps a des mécanismes d’adaptation. Une fois qu’on a augmenté la circulation de ces neurotransmetteurs entre les neurones; le corps qui se rend compte qu’il y a une anomalie dans la quantité de sérotonine; augmente du même coup les pompes de récupération de la sérotonine. Donc on augmente la sérotonine en empêchant sa recapture, et le corps augmente sa recapture de toute façon après un moment. C’est ce qui explique l’accoutumance aux médicaments et qu’il faille augmenter régulièrement la dose d’un médicament. Ce qui fait que ce médicament à un moment donné ne fait plus aucun effet, tout en ayant provoqué des dégâts au niveau d’autres centres nerveux en raison d’un nombre anormal de neurotransmetteurs !

Et pendant ce temps, l’origine du problème qui peut être, entre autres, des irritations nerveuses et une hyper-sensibilisation du système trigémino-vasculaire et d’autres noyaux du cerveau; a eu le temps de progresser et provoquer de plus en plus de crises migraineuses qui sont de plus en plus intenses et réagissent de moins en moins aux médicaments.

Je ne dirais donc pas que ce traitement (et jusqu’aujourd’hui les autres traitements médicamenteux) soit un “traitement de fond” !

Est-ce que les anti-dépresseurs sont quand-même efficace contre la migraine ?

On vient de voir que les mécanismes de l’utilisation du Laroxyl pour la migraine ne sont pas bien connus. Mais son utilisation est néanmoins très fréquente. Il devrait donc y avoir des preuves tangibles de son efficacité… Malheureusement pas tant que ça ! Il existe effectivement quelques études qui ont montré que l’Amitryptiline (le molécule du Laroxyl) pourrait effectivement diminuer la fréquence des migraines. Mais ces études sont très limitées. Une étude systématique en 2017 a analysé les études parues à ce jour et a conclu que l’Amitryptiline était plus efficace que le placébo pour la prévention des migraines. Mais cette étude note que la qualité de quelques études montrant cette supériorité était médiocre. Les auteurs notent que de nombreuses autres études contrôlées à grande échelle sont nécessaires pour bien comprendre comment les antidépresseurs affectent les migraines et d’avoir des preuves tangibles de leur efficacité. Donc peu d’études et sur de petites échantillons montrent l’efficacité du Laroxyl pour la migraine.

Quant aux autres anti-dépresseurs, c’est encore moins d’efficacité. Une étude parue en 2005 et deux autres en 2015 et 2017 montrent que les anti-dépresseurs ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ne sont pas plus efficaces que le placébo (pilule de sucre) pour les migraines et que leurs effets au-delà de 3 mois sont inconnus ! Les chercheurs qualifient ces études d’insuffisantes en qualité de preuve : études sur seulement 2 à 3 mois, faible nombre de participants et de qualité méthodologique médiocre.

Même s’ils suggèrent que les tricycliques (Laroxyl) sont plus efficace pour la prévention des migraines, ils concluent encore une fois qu’il faut plus d’études sérieuses pour en démontrer vraiment l’efficacité ! Et que le nombre de personnes ayant arrêté de prendre des tricycliques et des ISRS en raison des effets indésirables était pratiquement le même. Mais que, par rapport aux ISRS, le fardeau des événements indésirables chez les patients prenant des tricycliques était plus grand !

Alors quels sont les effets secondaires de ces antidépresseurs ?

Comme nous venons d’en parler plus haut, empêcher la recapture de la sérotonine ou de la norépinephrine par un médicament a des effets sur tous les neurones. Pas seulement au niveau de ceux qui sont impliqués pour la migraine.

Pour parler seulement de l’Amitryptiline (Laroxyl) :

Il y a les effets secondaires communs :

  • Constipation et prise de poids
  • Nausée et vomissement
  • Déséquilibre / vertige
  • Bouche sèche
  • Difficulté pour uriner
  • Fatigue, somnolence
  • Maux de tête
  • Modification de la fonction sexuelle

Et des effets secondaires plus graves :

  • Un rythme cardiaque rapide ou irrégulier
  • Evanouissement dû à des étourdissements
  • Peau jaune ou le blanc des yeux qui jaunit – (peut être le signe d’un problème de foie)
  • Un mal de tête, se sentir confus ou faible, ou avoir des crampes musculaires – (peuvent être des signes d’un faible taux de sodium dans le sang)
  • Pensées suicidaires ou pour se faire du mal
  • Douleur oculaire, modification de la vue, gonflement ou rougeur dans ou autour de l’œil
  • Éruption cutanée sévère ou urticaire
  • Gonflement du visage et de la langue
  • Hallucination
  • Convulsions
  • Spasmes de la mâchoire, du cou ou des muscles du dos
  • Difficulté à parler
  • Faiblesse ou engourdissement dans un membre
  • Douleurs thoraciques intenses
  • Saignements ou ecchymoses inhabituels

La combinaison entre anti-dépresseurs et médicaments pour la migraine

En fait les effets secondaires graves vus plus haut peuvent être dûs à des doses importantes de ces antidépresseurs mais aussi souvent dûs à une combinaison de prise d’anti-dépresseurs et de médicaments pour la crise de migraine tels que les Triptans. C’est un phénomène appelé le syndrome sérotoninergique qui est rare mais peut être potentiellement mortel. Comme l’explique le Mayo Clinic, un des centres médicaux les plus réputés aux Etats-Unis : Le syndrome sérotoninergique survient lorsque votre corps contient trop de sérotonine. Une variété de médicaments et de combinaisons de médicaments peuvent provoquer cela. Les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) et les IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de Noradrénaline) augmentent les niveaux de sérotonine. Les triptans interagissent directement avec certains récepteurs de la sérotonine dans le cerveau. Lorsque ces médicaments sont pris ensemble, ils pourraient théoriquement provoquer des niveaux de sérotonine et une stimulation des récepteurs de la sérotonine beaucoup plus élevés que si vous ne preniez qu’un seul de ces médicaments.

Existe-il d’autres solutions ?

En tant que chiropracteur formé en neurologie fonctionnelle, la grande majorité de mes patients nous consultent pour les céphalées y compris les migraines. D’abord parce que les soins de Chiropraxie en enlevant les blocages vertébraux et les irritations nerveuses peuvent déjà aider à diminuer les maux de tête tant au niveau fréquence que d’intensité. Différentes études que vous pouvez retrouver dans notre page céphalées le démontrent. Une de ces études a même comparé l’efficacité des soins chiropratiques et de l’Amitryptilin (Laroxyl) pour des céphalées de tension chronique. L’étude a montré que les soins chiropratiques étaient un traitement efficace pour les céphalées de tension. Que l’amitriptyline était légèrement plus efficace pour réduire la douleur à la fin de la période de traitement, mais était associée à davantage d’effets secondaires. Quatre semaines après l’arrêt du traitement, cependant, les patients qui ont reçu des manipulations vertébrales ont ressenti un bénéfice thérapeutique soutenu dans tous les principaux résultats, contrairement aux patients qui ont reçu de l’amitriptyline, qui sont revenus aux valeurs de base.

D’autre part, nos soins sont efficaces parce que la neurologie fonctionnelle permet d’avoir recours à d’autres outils thérapeutiques tels que la neuro-stimulation, la photobiomodulation et autres appareils pour aider encore plus spécifiquement les patients souffrant de migraines et céphalées.

Références :

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