Se faire opérer pour douleurs de dos ?
Est-ce qu’il faut se faire opérer pour ses douleurs de dos ?
Les preuves de l’efficacité d’une opération chirurgicale pour les douleurs lombaires ou cervicales sont insuffisantes
Il arrive que des patients aient recours ou me demandent mon avis sur la nécessite de se faire opérer pour une douleur de dos ou douleurs cervicales ou syndrome du canal carpien,… Ma réponse est conforme aux recommandations internationales sur les opérations concernant le rachis : en absence de signes neurologiques qui peuvent être présents lors d’une compression nerveuses par exemple par une hernie discale; il est préférable de privilégier des soins non invasifs qui ont montré leur efficacité pour ces problèmes tels que la Chiropraxie. Ces signes neurologiques sont observés lors des examens cliniques (perte sensorielle, perte motrice, signes de fasciculations ou fibrillations observés sur un éléctromyogramme – EMG -).
Les études ont montré que les soins chiropratiques peuvent être efficace pour les douleurs lombaires et lombalgies, pour les sciatiques et hernies discales, pour les douleurs cervicales, pour le syndrome du canal carpien,…
Que dit la science concernant les opérations chirurgicales pour la douleur ?
Dans une étude australienne récente publiée dans le prestigieux journal médical « Pain », les chercheurs d’un centre de recherche orthopédiques et d’une faculté de médecine de Sydney, ont voulu savoir s’il existe assez de preuves pour recommander les opérations chirurgicales pour la douleur. Ils ont trouvé dans un premier temps que les indications chirurgicales les plus courantes sont celles liées aux troubles musculo-squelettique (TMS). Outre les blessures, les principales causes de la chirurgie musculo-squelettique sont l’arthrose et les douleurs au dos ou au cou; c’est-à-dire les conditions associées à la douleur chronique.
Les chercheurs estiment que bien que le traitement chirurgical de la douleur chronique repose généralement sur l’attribution de la douleur à des changements objectifs et souvent visibles sur les études d’imagerie, les causes de la douleur chronique sont plus complexes. Par conséquent, le recours à la chirurgie sur de simples justifications mécanistes du traitement de la douleur chronique ne tiennent pas compte de la nature complexe de la douleur chronique. L’efficacité estimée de ces procédures chirurgicales repose souvent uniquement sur des théories mécanistes et des preuves d’observation, plutôt que sur des essais comparatifs plus rigoureux. De plus, lorsque de tels essais sont réalisés, les résultats sont généralement subjectifs, et les mesures ne sont généralement pas en aveugle (un critère de choix pour estimer l’efficacité d’un traitement).
Ils considèrent donc qu’il n’y a pas assez de preuves robustes pour justifier les coûts et les risques inhérents associés aux interventions chirurgicales. Ils soutiennent que les procédures chirurgicales pour la douleur devraient être étayées par des preuves expérimentales issues d’essais contrôlés randomisés, de préférence en aveugle, qui montrent une amélioration symptomatique statistique et cliniquement importante, lorsque la chirurgie est comparée à l’absence de chirurgie.
Dans leur étude, ils ont analysé toutes les études concernant 14 types d’opérations chirurgicales pour la douleur y compris
- décompression du canal carpien,
- remplacement du disque vertébral,
- fusion de la colonne vertébrale pour la douleur (arthrodèse),
- laminectomie lombaire pour la sténose du rachis lombaire
- méniscectomie arthroscopique du genou, le débridement arthroscopique du genou pour l’arthrose, l’arthroplastie totale du genou
- arthroplastie totale de la hanche pour l’arthrose
- décompression sous-acromiale arthroscopique de l’épaule, excision arthroscopique de la clavicule / de l’articulation acromio-claviculaire de l’épaule, réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule,
- etc.
Ils ont veillé à ne pas inclure les opérations qui étaient des opérations nécessaires telles que celles effectuées pour une fracture, une tumeur, une instabilité articulaire, une sciatique paralysante,…
Les opérations chirurgicales pour la douleur ne sont pour la plupart pas validées scientifiquement
Les conclusions des chercheurs est que :
Une très faible proportion d’études randomisées contrôlées sur les opérations sélectionnées a comparé l’opération chirurgicale à la non-exécution de ladite opération (64 sur plus de 6734 études : en moyenne, moins de 1%). Sur les 64 études randomisées contrôlées inclus pour toutes les opérations chirurgicales (qui comparaient la procédure à la non-exécution de la procédure), seulement 9 (14%) essais étaient favorables à la chirurgie. Lors de l’examen des procédures chirurgicales individuelles, la majorité des essais comparatifs n’a pas pu favorisé la chirurgie pour toutes les procédures sauf pour l’arthroplasite totale du genou, où la seule étude incluse était favorable à la chirurgie. Douze (19%) des essais inclus ont utilisé la mise en aveugle des patients, 9 (75%) d’entre eux pour la décompression sous-acromiale de l’épaule. Aucune des études ayant utilisé la mise en aveugle des patients pour une procédure n’a révélé que la procédure était significativement meilleure que de ne pas effectuer la procédure.
Ils finissent leur conclusion par :
« Nous concluons que de nombreuses interventions chirurgicales courantes effectuées pour des affections musculo-squelettiques provoquant une douleur chronique n’ont pas été soumises à des essais randomisés les comparant à la non-exécution de la procédure. Lorsque de telles études ont été réalisées sur la seule base d’observation, seulement 14% en moyenne ont montré un bénéfice statistiquement significatif et cliniquement important de la chirurgie. Il est nécessaire de produire des preuves d’une telle qualité pour déterminer l’efficacité de nombreuses interventions chirurgicales courantes. En outre, la production de preuves de haute qualité devrait être une exigence avant la mise en œuvre généralisée, le financement ou l’acceptation professionnelle de telles procédures, plutôt que la pratique actuelle consistant soit à effectuer des essais après que les procédures soient devenues courantes, soit à ne pas effectuer d’essais comparatifs du tout. »
Références :
Harris, Ian A.; Sidhu, Verinder; Mittal, Rajat; Adie, Sam, Surgery for chronic musculoskeletal pain: the question of evidence, PAIN: September 2020 – Volume 161 – Issue – p S95-S103