Vous êtes maladroit ? C’est peut-être vos cervicales !

La proprioception, les cervicales et la maladresse

Est-ce que mon cou me rend maladroit ?

C’est mot pour mot le titre d’une étude de Royal Melbourne Institute of Technology, parue en octobre 2021 dans le journal « Frontiers in Pain Research » !
En tant que chiropracteur spécialisé en neurologie fonctionnelle, c’est une évidence pour moi. Les tests que je fais sur chaque patient; qu’il/elle vienne consulter pour une migraine, une douleur cervicale, vertige ou autre troubles; montrent bien une relation entre les problèmes au niveau cervical et des problèmes de précision de mouvement, des problèmes de proprioception etc. Un des derniers articles de mon blog était d’ailleurs sur le sujet de la relation entre la raideur cervicale et problèmes de déséquilibre et de proprioception. Voir l’article
C’est donc avec plaisir que je traduis et résume cette nouvelle étude pour vous :

Cervicalgie et proprioception

La cervicalgie est un problème courant et perturbe l’activité chez 17 à 19 % de la population. Les complications liées à la douleur et aux blessures au cou, y compris les troubles associés au coup du lapin, sont fréquemment rapportées dans la littérature scientifique. Ceux-ci incluent le développement de douleurs chroniques, de vertiges et de troubles de l’équilibre.
En 1991, des chercheurs avaient pour la première fois parlé de symptômes cliniques de troubles de positionnement en tant que symptôme tardif de ceux qui souffrent de douleurs cervicales traumatiques. Ils ont noté que ce symptôme était généralement décrits comme une tendance à laisser tomber des objets ou une insécurité ou une difficulté à saisir les objets. Plus tard, d’autres chercheurs ont rapporté que 30% des patients souffrant de coup du lapin ont décrit le sentiment de « maladresse » comme un symptôme, une caractéristique aggravante ou un symptôme concomitant associé à leurs étourdissements ou à leur instabilité. Les auteurs ont également constaté que ces patients avaient du mal à représenter la position de leur tête et présentaient des erreurs de positionnement de leur tête suite à des mouvements de la tête. Ces erreurs ont été attribuées à des déficits dans les informations proprioceptives disponibles à partir des muscles du cou.

Ces études, ainsi que d’autres, soulignent le rôle que joue le cou dans la compréhension par le cerveau de la position des parties du corps les unes par rapport aux autres. Le système nerveux central doit être capable de différencier : l’ensemble du corps en mouvement ; le changement de position du corps par rapport à la tête ; et le mouvement de la tête. Les signaux proprioceptifs du cou jouent un rôle central dans la construction et la mise à jour continue de la représentation corporelle interne du système nerveux central. Cela nécessite l’intégration de signaux vestibulaires et des signaux proprioceptifs du cou et du tronc.

Les chercheurs ont donc voulu examiner les preuves d’une association entre le cou et la maladresse, lorsque la maladresse était définie comme la position des membres supérieurs et le sens du mouvement et l’exécution des tâches sensorimotrices. Ceci a été étudié à la fois chez les patients souffrant de douleurs et/ou blessures au cou et chez des patients saines. Ils ont examiné 18 études parues concernant ce sujet.

Relation entre la colonne cervicale et maladresse

Cette revue systématique a trouvé un nombre limité d’études à ce sujet (18) mais qui étaient de qualité modérée à élevée, avec toutes les études sauf une, démontrant qu’en présence de douleur ou de blessure au cou, ou lorsque les cervicales sont à la limite de leur amplitude de mouvement chez les sujets sains, cela est associé à une détérioration de la précision de l’exécution des tâches sensorimotrices des membres supérieurs, ou de la perception précise de la position des articulations des membres supérieurs.
Le résultat de cette revue souligne l’importance pour les cliniciens d’étudier spécifiquement si leur patient souffre de maladresse associés à leur douleur ou blessure au cou et de mettre en œuvre des stratégies de réadaptation pour résoudre ce problème.

Le cou, le schéma corporel interne et le symptôme clinique de la maladresse

Comment connaissons-nous la position de notre membre par rapport au reste de notre corps ou l’endroit où il est si nous ne pouvons pas le voir ? Comment percevons-nous où se positionnent nos parties du corps par rapport au monde extérieur ? Les scientifiques appellent ce savoir le « schéma corporel » où le cerveau cartographie et met continuellement à jour la « forme et la posture » du corps. Il est bien connu que le concept de schéma corporel interne repose sur les apports proprioceptifs collectifs à la fois pour construire et mettre à jour le schéma corporel interne y compris ceux du cou. Il est également bien connu que les muscles du cou ont une forte densité de propriocepteurs, notamment les fuseaux neuro-musculaires et que les projections de ces récepteurs pénètrent dans le système nerveux central atteignant plusieurs zones du cerveau, y compris le système vestibulaire – un centre d’intégration important pour le contrôle sensorimoteur. Les informations proprioceptives atteignent également le cortex cérébral et ajustent les commandes motrices pour les mouvements orientés dans l’espace.

Dans une revue récente les chercheurs ont rapporté qu’il existe des preuves solides que la proprioception des muscles du cou est significativement impliquée dans la construction et la mise à jour de la position et du mouvement du corps et de ses membres. Une autre étude parue en 2021, a identifié que la fonction des muscles paraspinaux profonds et leur entrée proprioceptive sont capables de modifier (ou de maintenir) un enregistrement précis du schéma corporel interne du cerveau.

Par conséquent, il semble raisonnable qu’étant donné le rôle central des propriocepteurs du cou dans la construction et la mise à jour du schéma corporel interne, face à une perturbation de la fonction du cou telle qu’elle se produit en présence de douleur ou de blessure, il existe un potentiel de perturber la transmission des signaux proprioceptifs ou déformer le traitement des entrées proprioceptives qui, à leur tour, altèrent le schéma corporel interne.

NDLR : on voit donc que les études confirment encore une fois ce que les chiropracteurs affirmaient d’un point de vue clinique : les problèmes cervicaux sont bien liés à des problèmes de proprioception et cela peut avoir une importance aussi bien pour l’équilibre que la posture ou les performances sportives. Le rôle du chiropracteur qui est de corriger les blocages et les perturbations notamment au niveau cervicale pourrait aider les patients pour retrouver un équilibre postural mais aussi aider dans l’efficacité dans les performances motrices !

Références :

  • Samantha C. Harman, Zhen Zheng, Julie C. Kendall, Dein Vindigni, Barbara I. Polus, Does My Neck Make Me Clumsy? A Systematic Review of Clinical and Neurophysiological Studies in Humans, Front. Pain Res., 11 October 2021,
  • Pettorossi VE, Schieppati M. Neck proprioception shapes body orientation and perception of motion. Front Hum Neurosci. (2014) 8:895.
  • Haavik H, Kumari N, Holt K, Niazi IK, Amjad I, Pujari AN, et al. The contemporary model of vertebral column joint dysfunction and impact of high-velocity, low-amplitude controlled vertebral thrusts on neuromuscular function. Eur J Appl Physiol. (2021) 121:2675–720.
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