Pensiez-vous vous faire opérer pour votre dos ?

Est-ce qu’une opération du dos est nécessaire ?

 

Il fut un temps, où il suffisait de dire qu’il faut vous opérer pour que le patient suive le conseil. Il fut un temps où les anti-inflammatoires étaient conseillés à tort et à travers pour les douleurs de dos. Mais comme je le signale régulièrement dans ce blog, de plus en plus d’études tendent à montrer que les anti-inflammatoires et les opérations ne devraient pas être recommandés et utilisés tels que c’est le cas aujourd’hui.
Par exemple dans le dernier post, j’ai parlé d’une étude récente qui montrait que l’utilisation des anti-inflammatoires est liée et probablement la cause des douleurs qui deviennent chroniques chez les patients (voir l’article). D’ailleurs il y a quelques années l’association médical américaine a modifié ses recommandations pour mettre en avant des approches plus globales et moins invasives telles que la Chiropraxie pour les douleurs de dos par exemple.

Aujourd’hui c’est au tour d’une étude parue dans le journal médical australien (The Medical Journal of Australia) de se poser la question de savoir si les opérations chirurgicales du dos sont conformes aux données actuelles de la science ?

Douleurs lombaires et opération chirurgicale

La lombalgie est courante, de plus en plus répandue et la principale cause de perte de productivité dans le monde. La plupart des lombalgies sont générées par des blocages vertébraux et des changements dégénératifs affectant les os et les tissus mous de la colonne vertébrale. Mais il existe aussi des déformations congénitales et acquises, des infections, des tumeurs malignes et des traumatismes qui composent une faible proportion de des lombalgies.

La lombalgie aiguë peut disparaître chez de nombreux patients, mais la récidive est courante et environ 60 % développeront une douleur chronique. C’est pour cette raison qu’il ne faut jamais ignorer une douleur même temporaire et qui peut disparaitre sans rien faire ou en prenant des anti-douleurs qui masquent simplement les symptômes temporairement et qui donnent le temps au problème de s’installer encore plus profondément, de faire plus de dégâts jusqu’à la prochaine épisode douloureuse !

Une proportion importante de patients souffrant de lombalgie chronique consulte leur médecin généraliste et, un peu plus de la moitié ont recours à une imagerie vertébrale. Or, comme les imageries comportent souvent des anomalies (qu’on soit symptomatique ou asymptomatique), les résultats incitent fréquemment à orienter les patients vers un chirurgien du rachis; même si cela est contraire aux recommandations internationales à ce sujet. Cela peut alors être associé à des taux d’intervention accrus, à l’utilisation des ressources et au potentiel de résultats indésirables.

Les chercheurs de cette étude constatent que l’intervention chirurgicale pour la lombalgie continue d’augmenter en Australie et de manière disproportionnée chez les patients assurés en privé. Bien que la chirurgie de la colonne vertébrale joue un rôle dans la prise en charge des rachialgies liées à une instabilité importante, notamment dans le cadre d’un cancer, d’une infection ou d’une chirurgie antérieure, son rôle dans la prise en charge des lombalgies non spécifiques reste sans fondement scientifique.

Je rappelle régulièrement à mes patients qu’une opération chirurgicale du dos ne doit être envisagée que dans les cas cités plus haut et dans les cas d’une hernie, seulement en présence d’une « souffrance du nerf » avec un examen clinique mettant en évidence une perte sensitive ou motrice. C’est en tout cas ce que recommandent les lignes directrices internationales. Cet examen clinique peut être (ou plutôt devrait être) complété par un EMG (électromyogramme) chez le neurologue avant d’envisager une opération. Or souvent je rencontre des patients qui ont été incités à se faire opérer simplement en observant une hernie discale sur une imagerie !

Après avoir analysé les différentes études parues sur ce sujet, les chercheurs de cette étude concluent : « Le fardeau croissant de la lombalgie représente un défi important pour les systèmes de soins de santé à travers le monde. Sa prise en charge doit être supervisée par des médecins de soins primaires et centrée sur une approche biopsychosociale holistique d’interventions généralement non chirurgicales. Même si la chirurgie rachidienne joue un rôle dans le soulagement des symptômes de la radiculopathie ou de la claudication neurogène, ou dans des circonstances où les maux de dos sont liés au cancer, à une infection ou à une instabilité grave, son rôle dans la prise en charge de la lombalgie dégénérative n’est pas étayé par les études actuellement disponibles. Malgré cela, l’intervention chirurgicale pour la lombalgie a considérablement augmenté chez les patients australiens et de manière disproportionnée chez ceux qui ont une assurance maladie privée. La contribution de l’industrie à cette augmentation et son rôle dans la conduite des recherches publiées nécessitent un examen plus approfondi. »

Tout est dit !

 

Références :

Evans L, O’Donohoe T, Morokoff A, Drummond K. The role of spinal surgery in the treatment of low back pain. Med J Aust. 2022 Dec 11.

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